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De Stellare Principii Vol. VIII

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Message par Klosterheim Mar 13 Mar 2007 - 20:48

CHAPITRE I farao

Que ce fut en Égypte, en Arabie Saoudite ou en Malaisie, nos émissaires surent déjouer les menées de nos ennemis et rassembler artefacts et parchemins nécessaires pour mener à bien notre projet. J'ai moi-même pu mettre la main sur un antique sort, notamment, qui peut provoquer d'incroyables bouleversements marins, lors de ma dernière expédition au Tibet, même s'il m'a fallu pour cela m'acoquiner avec le chaos rampant... Patience ! encore deux lunes et notre ordre pourra enfin balayer les derniers espoirs prométhéens de ce monde. Aucune force ne peut contraindre la trouble-nuit et ses reflets d'argent de s'étendre sur l'horizon. Mon destin l'exige !

L'élément qui acheva la concoction de notre plan se trouvait dans une triste ville portuaire abandonnée sur une côté désolée, au nord-est des États-Unis d'Amérique. Selon un de mes sbires, d'importantes connaissances dont nous devions absolument disposer étaient en la possession d'un vieux notaire local, Me Sutton. Il me fut aisé de le "convaincre" de me remettre cette pièce manquante. Ces manuscrits magiques appartenaient à un vieux moussaillon de la ville qui naguère fit fortune en commerçant avec d'étranges populations des îles polynésiennes : Obed Marsh, qui eut une existence privilégiée par ses séjours en l'antique Lémurie et autres îlots oubliés du Pacifique, fut d'une précieuse assistance posthume. Ses anciens alliés, ainsi qu'une troïka de prêtres de l'église locale, dédiée à St-Toad, adhérèrent à notre noble idéal et vinrent grossir nos rangs.

Par les pouvoirs conjugués des sorciers de notre ordre, des caciques profonds et de leur dieu Dagon, à nouveau sera libérée des flots céruléens la cité des rêves. Ensemble nous gravirons ses noirs degrés et descellerons ses portes titanesques. Ensemble nous nous prosternerons devant la chose qui ne devrait pas être.

Nulle étoile ne saura me faire plier.
Pas tant que je m'appellerai Carl Stanford !


Dernière édition par le Sam 27 Oct 2007 - 19:05, édité 3 fois
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Message par Klosterheim Mar 13 Mar 2007 - 20:53

CHAPITRE II farao

Blackmoor estate, MA - extrait du dossier du patient #TKMZ8956
Enregistrement du 26/03/1976, cassette #616


« Maudit soit le jour où j'ai répondu à l'invitation du Pr. Wilmarth ! Que m'a-t-il pris de quitter mon modeste bureau de l'université de Mexico ? Mais qui aurait pu refuser pareille invitation ? Qui ?

Notre confrère, le Dr. Kafour du musée d'égyptologie du Caire, nous avait fait quérir pour une expédition aux confins de la vallée du Nil. Après des semaines de recherche intensive, nous tenions une découverte historique de la plus haute importance ! Enfin nous avions inventé une cité d'envergure cyclopéenne, cachée sous les dunes séculaires ! Les fouilles furent aussi prolifiques les unes que les autres, chaque jour et chaque nuit constituaient un indescriptible émerveillement. La presse internationale relayait chacune de nos découvertes : je parviens encore à me rappeler la photographie sur laquelle je brandis, fière comme un coq, cette boule de cristal que nous avions baptisée "verre de Mortlan"...

Mais l'égyptologie, telle une constante universelle, recèle une face diabolique. Parmi les raretés que nos équipes de fouilles arrachèrent à leurs linceuls de poussière et de sable, figurait un singulier vase canope rouge en forme de gueule de quelque démon canin millénaire, alors que les bâtiments de la cité n'abritaient aucune momie... Ce vase abritait (des mortels) un cartouche maudit, l'héritage d'Akhenaton. Maudit, effectivement, puisqu'y étaient mentionnés, en plus de terribles imprécations, trois noms impies : Nephren-Ka, Kish et Nitocris. À l'évocation de ces deux figures peu connues mais terribles des troisième et sixième dynasties, les visages de nos collaborateurs égyptiens devinrent exsangues, puis leur rassemblement, sous l'injonction de quelque superstition, entonna, tel un géant fanatique et impitoyable, cette psalmodie sans âge qui toujours me fera frémir. Plus particulièrement ce passage qui répétait un mot unique, tel quelque sinistre mantra : Tawil At-Umr, Tawil At-Umr...

Les semaines suivantes s'écoulèrent de manière macabre, je ne citerai que la pendaison d'un ouvrier afghan sous l'arche sacrificielle qui ouvre le temple de la cité, ou l'apparition d'une ombre monstrueuse qui chassait parmi les froids corridors de la salle du trône... Durant cette période, mon maigre sommeil était hanté par un cauchemar récurent, dans lequel le monstre du canope me dévorait vivante dans sa gueule rouge, ce au cours des rites funéraires de la reine-vampire Nitocris... La levée du camp à l'aurore de notre départ n'épargna guère non plus nos frêles esprits, quand notre tente fut survolée par une masse noire aux longues ailes de chauves-souris...

Pour nous calmer et prendre du repos, le Pr. Wilmarth me convia chez lui sur les bords du Miskatonic. Un soir pourtant, il souhaita revenir sur l'histoire de Kish, ce labyrinthe où vécut Nitocris et que le professeur Bowen avait extrait des entrailles du désert en 1844. Wilmarth me fit alors part d'une confidence : Bowen y avait découvert un splendide mais terrifiant artefact, dont les derniers méfaits dataient de 1934, à Rhode Island, non loin d'Arkham : le trapézohédron scintillant ! Mon ami folkloriste me révéla qu'un médecin légiste le lui avait remis, avec son coffret d'origine, après qu'un corps d'homme fut repêché dans la rivière de Rhode Island, avec le joyau dans son estomac. Une photo du trapézohédron provoqua de furtifs spasmes et une impression de dégoût dans tout mon corps : l'antique écrin de l'abominable bijou avait pour formes la gueule béante du démon du canope ! C'est alors qu'une force mystérieuse prit contrôle de mon esprit : je ressentais alors l'impérieux besoin de jeter mon regard dans le trapézohédron scintillant. Malgré les avertissements de Wilmarth, je saisis avec célérité une lampe de son bureau et éclata sa tête comme un fruit blet avec (du moins ai-je vu mon bras s'emparer de la lampe et la fracasser contre mon infortuné ami !). Je quittais alors son appartement cossu (mes jambes m'emportèrent dehors !) et pris (on me dirigea vers !) la direction du musée d'Arkham ! Et sans avoir à chercher où il était rangé, je pris (mes main prirent !) le trapézohédron et plongeai mon regard (mes paupières s'ouvrirent et mes yeux s'abîmèrent !) dans le cœur de cet objet de damnation rouge !

Mon dieu ! Quelles atrocités détectais-je alors et dont mon esprit ne parvient toujours pas à se libérer ! Le chasseur spectral ! L'horreur chasseresse ! Le vampire stellaire ! Et plus horrible encore, ... l'âme de Tawil At-Umr !! Son âme, celle de ses semblables, son héraut, qu'en sais-je encore !

Malheur sur moi ! Malgré ces péripéties effroyables, quelque démiurge moqueur (Tezcatlipoca?) continue de garder un œil sur moi. Pourquoi, si ce n'est pour son propre amusement ? L'âme du Pr. Wilmarth m'a de nouveau visitée hier soir ; mais je sais que ce n'était pas lui, c'était un horrible artifice pour me tourmenter : son spectre se trahissait car il était empourpré du reflet de ce joyau maudit ! »


Dernière édition par le Sam 22 Déc 2007 - 16:36, édité 3 fois
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Message par Klosterheim Mer 21 Mar 2007 - 18:57

CHAPITRE III farao

Cantos contemplatifs, p.24 (Markus Serrnoz, 1929)
Note : à partir de 1935, les éditions suivantes n'incluent pas ce sonnet

Effacée des archives et des mémoires,
Bercée par les flots qui souhaiteraient l'éviter
Dort captive des abysses R'lyeh la noire
Aux durs piliers défiant toute réalité

Les cieux t'ont bannie, impie, de la surface
Gardant ton souverain dans un sombre sommeil
La brume transporte ses rêves fugaces
Vers nos oniriques rivages sans soleil

Lasse des fonds céruléens et du secret,
Prochainement tu t'élèveras, colossale,
Et miraculeuse, hors des eaux émerveillées

Sous l'ire des vents, monstrueuse cathédrale,
Ouvre ta porte à ton impatient prêtre ailé
Afin qu'il regoûte aux caresses des étoiles


Dernière édition par le Jeu 5 Avr 2007 - 16:07, édité 1 fois
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Message par Klosterheim Mar 3 Avr 2007 - 19:09

CHAPITRE IV farao


Gregor a une vie de merde. Ce constat impitoyable se forge chaque jour quand il s'étiole dans son petit bureau de comptable. Il continue de ruminer cette pensée d'un air bougon quand il tripote des cascades de chiffres tout le long de la journée. C'est seulement quand le seuil de son petit appartement est franchi de son pas fruste qu'il se calme : la présence de son épouse et les fragrances de nourriture, apaisantes, se font passer chaque soir pour les preuves d'une bonne existence. Mais aujourd'hui, la simple idée de se blottir dans cet ersatz de confort au soir tombé l'emplit de dégoût. La piètre matinée qu'il a vécu lui fait ressentir l'impérieux besoin de tout abandonner et de tout recommencer. Son esprit mène une fougueuse réflexion de renouveau, qui le titille depuis quelques jours, depuis qu'il a rencontré le vieux capitaine Byron.

- Gregor, tu viens déjeuner avec nous ? lui crie la secrétaire du bureau, avec cette même affection qu'emploierait un général envers un scout.

Était-ce seulement une question, ou un ordre ? Le comptable se lève machinalement et rejoint sans mot dire ses collègues de boulot. Malgré son silence, tout bouillonne en lui. Les yeux de Byron poursuivent leur pénétration en son âme languissante, une incursion doucereuse et morbide. La vue des autres, rigolant tout en marchant, le débecte : comment peuvent-ils se complaire dans toute cette médiocrité ? Ont-ils réellement souhaité cette vie de petit rond-de-cuir depuis leur scolarité ? Ont-ils signé quelque pacte pour une vie calme et sans embûche ni saveur ? Gregor les observe une dernière fois, scrute leurs bouches heureuses, étudie leurs regards taquins, analyse la fausse affabilité dans leurs voix, puis ferme les yeux quelques secondes. Ses paupières se heurtent avec violence, son front s'abaisse gravement, son nez se plisse avec méprise, et il explose.

- Bande de crétins satisfaits !!!!!!

En proférant avec rage cette vérité, sa serviette voltige dans les airs, cent feuilles de chiffres se libèrent et retombent mollement dans le couloir. C'est comme ce vieux rêve, capiteux et pernicieux, qui s'immisce dans son cerveau, celui où il se voit à la proue d'un bateau, brave et fier comme un pirate de roman, prêt à l'abordage. Comme avec un sabre de boucanier, il lève son poing vengeur et l'abat au-dessus du regard ébahi d'un collègue. Puis il braque sa main gauche, comme si elle saisissait un mousquet, vers la secrétaire et frappe violemment dans la bouche pour éteindre son cri de frayeur. Gregor éructe, grogne à chaque coup de pied qu'il assène aux deux corps inertes, puis il lève la tête, victorieux, aspire un grand bol d'air comme une rasade de vieux rhum, et pousse un hurlement féroce, antique mélange de joie animale et d'exécration. La route est encore longue vers le Bal-Sagoth, le navire de Byron, qui se morfond dans les trop calmes eaux du port, et le vieux capitaine n'est pas du genre patient...
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